Focus sur notre staff : Aurélien, directeur adjoint

Ingé son, programmateur, barmaid… Le Cabaret Aléatoire n’existerait pas sans les personnes qui y travaillent jours et nuits. Nous partirons à la rencontre de plusieurs d’entre elles à travers cette série. La venue des strasbourgeois de Ghetto Hype au Club Cabaret de ce vendredi 10.06 n’est pas sans lien avec le parcours d’Aurélien, directeur adjoint du Cabaret Aléatoire. L’occasion de commencer ce premier épisode avec lui pour qu’il nous explique son métier, son chemin… Et qu’il nous partage ses coups de cœur musicaux.

Peux-tu nous expliquer ton parcours et comment tu as commencé à organiser des soirées ?

J’ai réellement découvert l’univers des musiques électroniques avec les soirées Limelight à Cannes, pendant l’année du bac en 1992. Une première rencontre exceptionnelle non seulement par la musique mais aussi par l’ambiance incroyable qui se dégageait de ces rassemblements. Une forme d’euphorie, d’excès et de communion que je n’avais jamais vécu auparavant. Ensuite je suis allé étudier à Strasbourg où j’ai été diplômé de Sciences Po. Là-bas, j’ai rencontré des acteurs de ce milieu, je suis allé à plusieurs gros festivals en Angleterre, en Allemagne et j’ai commencé à mettre en place un réseau d’artistes et d’organisateurs… Jusqu’à organiser mes premières soirées en 1996. A l’époque le plus important était de trouver un lieu propice à ce genre de fête : un lieu « magique », jamais exploité si possible, loin des habitations, dans lequel l’espace d’un week-end on rassemblait une quinzaine de DJs et de lives qui se succédaient pendant 48h sur 2 ou 3 sound systems. Pas de tête d’affiches, pas d’internet et pas de publicité à l’époque,  juste du bouche à oreille et quelques flyers cryptés donnés uniquement aux bonnes personnes. On mobilisait le public avec de petits réseaux dans chaque ville, et à ma première soirée (Free your mind!) j’ai été surpris de voir débarquer 600 personnes de toute la région Est ! C’était le début pour moi d’une nouvelle aventure, une aventure humaine, l’impression de participer à quelque chose de nouveau. Il y avait une énergie incroyable, beaucoup de gens motivés pour aider à développer ce mouvement.

De cette passion, j’ai décidé d’en faire progressivement un métier. Des soirées underground je me suis progressivement mis à investir d’autres lieux plus institutionnels ; dont les SMACS, comme la Laiterie à Strasbourg, et à inviter mes artistes références ; ceux qui m’ont vraiment fait aimer ces musiques, Richie Hawtin, Jeff Mills, Laurent Garnier, Josh Wink… Il y a beaucoup de tracks techno assez emblématiques de cette période, The Bells de Jeff Mills – un hymne techno universel, Flash de Fix  – un hit incroyable sorti sur KMS, Energy Flash de Joey Beltram – un morceau fondateur…

Qu’est-ce qui t’as attiré au Cabaret et en quoi consiste ton poste ?

J’ai commencé à suivre le projet avant son autonomisation qui date de fin 2008. Puis j’ai été le président de l’association de 2009 à 2011, avant de rejoindre l’équipe du Cabaret Aléatoire en tant que directeur adjoint – administrateur en septembre 2011. Mon poste consiste à piloter et à développer le projet en binôme avec Pierre Alain Etchegaray, le directeur. Concrètement cela revient à structurer l’activité du Cabaret, encadrer les équipes, assurer la gestion budgétaire et développer le projet artistique et les publics.

C’est une belle aventure humaine. J’ai été séduit par le côté atypique du projet : une salle construite par les équipes, un projet artistique identifié comme underground mais aussi défricheur. Et puis il y a ce petit plus : un lieu ouvert aux collaborations et aux projets artistiques transversaux, un véritable lieu de croisements, une fabrique de projets originaux. C’est une expérience unique : peu de moyens financiers par rapport à d’autres salles de musiques actuelles mais une équipe motivée et soudée autour d’un projet qui demande une énergie de tous les jours. Cela nécessite d’autres types de compétences et de savoir-faire pour piloter ce projet. On a réussi à monter des projets qui n’auraient pas pu voir le jour ailleurs, on a surmonté des difficultés considérables mais aujourd’hui, on peut voir le chemin parcouru et le bilan est très respectable.

Combien d’heures par semaines consacres-tu à ton travail ?

Trente cinq heures par semaine… Multiplié par deux ! C’est un travail chronophage… Entre l’administratif, le financier, la gestion des ressources humaines, le montage de projets artistiques, la présence lors des exploitations, le volume d’heures est conséquent et il n’épargne pas les soirs et les week-ends.

Mais c’est le prix à payer pour un boulot passionnant ! Et puis c’est un domaine dans lequel nous avons la chance de voir le résultat de nos efforts. Les process sont parfois longs entre l’idée de départ et la réalisation d’un projet, d’une date, mais il y a la satisfaction de voir l’aboutissement et le fruit de notre travail. Et ça, c’est un privilège incroyable. C’est la meilleure source d’inspiration et de motivation.

Quels changements as-tu observés dans le domaine de la musique et de l’événementiel depuis le début de ta carrière ?

La transformation de l’industrie du disque qui n’a pas ou peu été anticipée par les acteurs du milieu. Pendant longtemps la vente de disques représentait la majorité des revenus pour les artistes. Il a fallu revoir le modèle et l’un des principaux leviers utilisés a été de revoir à la hausse les revenus générés par les concerts… Ce qui a impacté l’économie des salles de concerts qui ont vu le cachet des groupes grimper de manière exponentielle. Cela s’est accompagné de la transformation du rapport au public : internet a permis la mise en relation directe entre artistes et publics. Aujourd’hui un indicateur utilisé par beaucoup de professionnels est le nombre de visionnage et de likes sur les réseaux sociaux. Un critère très volatile et très complexe à modéliser. Un « bon » album et de bonnes critiques ne garantissent plus une salle pleine à un groupe.

Dans les musiques électroniques, la transformation des formats et la multiplication des labels qui en a découlé ont bouleversé aussi la donne. Avant, un bon morceau était rapidement joué par les meilleurs DJs qui en assuraient la promotion tout comme les magasins de disques. Aujourd’hui, l’offre est telle qu’il est difficile de se faire un nom juste sur la qualité d’un track. Il y a beaucoup plus de DJs et de producteurs mais peu de nouveaux headliners qui émergent véritablement. Il n’y a qu’à regarder les line up des principaux festivals de musiques électroniques… De plus, avec la technologie, il est plus difficile de se démarquer dans le mix, cela se joue principalement sur des détails et sur la programmation musicale. Il y a des sensibilités différentes mais il n’y a plus une grande distinction dans les manières de mixer.

Quel est ton background musical et comment tes goûts ont-ils évolué avec le temps ?

Depuis très jeune, j’ai toujours été passionné par la musique. J’ai écouté beaucoup de styles musicaux différents, plusieurs périodes musicales se sont entremêlées en fonction de mon âge et de mes découvertes : les classiques du rock (Pink Floyd, Deep Purple, Led Zeppelin…), le rock alternatif français (Bérurier Noir, Ludwig Von 88, Jad Wio, Noir Désir…), le pop rock UK et US (The Smiths, Happy Mondays, The Pixies, Thindersticks…Depeche Mode, Nirvana, David Bowie…), le hip hop US et rap français (IAM, NTM, La FF, Public Enemy, Beastie Boys), la cold wave  (Joy Division, Bauhaus, Sisters of Mercy, The Cure), le reggae (Bob Marley, LKJ, the Gladiators, Pablo Moses…), l’electro ; avec une préférence pour la techno de Detroit et le minimalisme de Plastikman, même si j’ai écouté pal mal de choses dans les musiques électroniques, du Hardcore de Manu le Malin à la Trance de Dj Misjah en passant par le groove minimaliste classe de Steve Bug et la house fat de Derrick Carter et Dj Sneak.

Pas de fil directeur donc, mais de la curiosité et des coups de cœur liés à mes états d’âme et à mon environnement. Il y a tout de même un morceau que je n’ai jamais vraiment arrêté d’écouter depuis sa sortie en 1996, un Moodymann imparable de groove et de feeling : I can’t kick this feelin when it hits.


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