[Interview] Perc « Tu peux faire un morceau intègre sans avoir à compter sur des références old school »

Perc interview cabaret aléatoire

Salut Perc ! Nous suivons ton travail depuis des années, c’est pourquoi c’est un plaisir de t’accueillir au Cabaret Aléatoire Samedi 8 décembre avec le collectif Paradox. Nous avons imaginé un line-up spécial UK avec toi d’un côté et Rebekah de l’autre. Nous ne sommes pas les seuls à t’attendre, en effet notre fanbase réclamait ta venue depuis 1 an ! Voici quelques questions pour toi :

  • Tu partages le line up avec Rebekah ce soir, en tant que 2 membres de la scène techno UK, est ce que vous vous rencontrez souvent en soirée, est ce que tu connais son travail ?

Nous jouons sur les même line-ups quelque fois par an, mais bien souvent nous n’avons pas le temps de parler car nos sets finissent quand celui de l’autre commence. Bien sur je connais sa musique et son Djing, nous faisons tous les deux ça depuis un bon moment maintenant !

Rebekah a produit le morceau « Diamond in the Rough » sur le label de Perc, Perc Trax

  • Nous avons lu dans différentes interviews que tu prends ton inspiration de plusieurs styles de musique. A quel point la scène UK t’inspire, quel mouvement suis-tu particulièrement (excepté la techno) ?

Il y a une attitude spéciale envers la musique au UK qui prend ses racines du punk et des sons indus et s’exprime à travers l’électro, de l’acid house à la techno, le hardcore, la drum & bass et j’en passe. J’aime penser que les producteurs UK sont moins puristes et fermés que les autres, plus ouverts à la création de nouvelles fusions musicales. J’aime garder une oreille ouverte sur la modern noise et la musique expérimentale, ainsi que l’indus. J’ai aussi toujours aimé l’IDM et la drum & bass, mais c’est rare d’entendre quelque chose de nouveau, avec une réelle évolution dans ces genres aujourd’hui.

  • Londres est sûrement un must go dans le circuit Techno. Est ce qu’il y a des lieux que tu nous recommanderais ?

Ces jours-ci je joue généralement dans deux endroits que j’aime beaucoup : le Village Underground et le Corsica Studios. Londres a un bouquet de nouveaux clubs comme le Fold, le Steelyard et l’ouverture récente du Cause, ainsi que des lieux plus grands comme le Printworks. Cependant cela fait un moment que je n’ai pas été à un événement à Londres où je ne joues pas, étant donné que je passe une grande partie de mes week-ends à jouer dans d’autres villes.

 

  • En tant que DJ et fondateur de label, tu dois éplucher beaucoup de promos. Que penses-tu de la production actuelle dans la musique électronique ? Est ce qu’il y a assez de créativité ou d’innovation selon toi ?

Je trouve toujours très difficile de découvrir de nouveaux morceaux dont je tombe amoureux, mais ça veut aussi dire que je les aime plus quand je le trouve moi même. J’ai toujours pensé qu’il n’y avait pas assez de gens qui tentaient leur chance avec la musique, bien qu’on pourrait aussi penser que ma musique et celle de mon label Perc Trax jouent la sécurité.

Les démos augmentent avec les standards de production et d’ingénierie, tandis que le track créatif et innovant qui te prend par surprise se fait de plus en plus rare.

 

  • Après le retour des sons Rave et de l’électro, quel serait pour toi le prochain revival dans la scène techno pour les prochaines années ?

J’espère que nous avons atteint le sommet des références rétro. Oui, c’est possible de faire quelque chose de frais et d’intéressant avec de la rave classique, de l’électro ou de l’acid, mais les producteurs doivent réaliser que tu peux faire un morceau intègre sans avoir à compter sur des références old school pour la rendre légitime ou l’authentifier. Concernant la prochaine tendance, je ne sais pas. Il y a un peu plus de mélodies en ce moment qui sortent et je crains que cela sonne comme de la trance. Néanmoins il a une grosse différence entre de la bonne et de la mauvaise trance.

Les gens doivent réaliser que tu peux faire un morceau intègre sans avoir à compter sur des références old school pour la rendre légitime ou l’authentifier.

  • A ton avis, pourquoi les artistes femme luttent pour trouver une légitimité dans la musique techno ? Est ce que tu fais attention à la représentation des femmes dans ton label ?

Je pense que la situation est en train de changer radicalement, ce qui serait un pas en avant positif pour tout le monde.

Bien sûr il y a toujours des gens qui essaient de remettre en question les qualités de DJing et de production d’une femme artiste, mais généralement c’est de la jalousie qui émane de gens qui pensent qu’ils devraient voyager autour du monde en jouant des sets en raison de la taille de leur collection de vinyles ou du temps passé à mixer dans leur chambre.

Comme tous les artistes qui deviennent connus (et je l’ai expérimenté moi même) les haters surgissent de nul part et attaquent tout ce que tu dis ou fait. Si tu écoutes ces personnes, tu peux devenir fou, c’est préférable de les ignorer et de suivre ton propre chemin. Cependant, si ceux qui parlent de toi connaissent au moins ta musique, s’ils réagissent en connaissance de cause face à ta musique, c’est toujours mieux que si personne n’en a rien a foutre.

  • Tu te définies comme une personne politique. A quel point penses-tu que la musique doit être politique bien qu’elle soit vue principalement comme un divertissement ?

Bien sur la techno peut être politique. L’acte de danser peut être politique selon l’endroit où tu le fais, prendre des substances illicites est toujours un acte politique, car le consommateur prend la décision de passer outre la loi. En ce moment il y a une tendance chez les artistes d’être vu avec une conscience politique, certaines sont réelles mais beaucoup sont juste des postures de crédibilité pour la presse. Bien souvent les personnes les plus actives et dévouées pour changer les choses dans leur communauté locale sont situées aux racines des problèmes et sont ceux qui le revendiquent le moins, au mieux sur les réseaux sociaux.

  • Si tu devait illustrer musicalement le contexte politique au Brésil aujourd’hui, comment est ce que tu façonnerai les kicks et les percussions du morceau ? Quel serait son titre ?

C’est une question intéressante. Je ne suis pas très au courant de la situation politique au Brésil et de leur nouveau leader comme je pourrai l’être pour celle du UK, mais je sais que c’est un grand changement pour eux et qu’il amène beaucoup d’inquiétude et d’appréhension. Sans vraiment faire le morceau, c’est difficile de décrire comment il pourrait sonner, mais je suppose qu’il serait d’avantage austère et dur qu’atmosphérique ou mélodique.

 

  • Est ce que le fait que le public est à la recherche d’une techno plus dure est reliée à la société moderne qui est de plus en plus agressive et égoïste ?

Non je ne pense pas. Je n’ai jamais aimé cette pauvre hypothèse qui dit que si tu aimes la musique dure tu es une personne violente et colérique. J’ai toujours pensé que ma musique et celle de Perc Trax sont plutôt énergique et passionnée qu’agressive et violente. Pour revenir à la question, je pense que les gens recherchent de la musique plus rapide et sévère car ils sont lassés de la techno fade, atmosphérique, commerciale, terne ou stérile.

Ils veulent être choqués, surpris, mis au défi, ils veulent que la musique renvoie vers une réponse physique immédiate. Ce n’est pas quelque chose que tu écoutes pendant 10 minutes en attendant que quelque chose arrive (qui bien souvent n’arrive pas) avant de pouvoir te forger une opinion dessus.

 

  • Comme tu as pu le constater, la vie et les humains sont plein de paradoxes ! Qu’est ce que tu décrirais comme paradoxal dans la musique électronique ?

Le classique c’est la notion de techno comme le genre le plus futuriste alors qu’il est obsédé par de vieux formats, par les sons vinyles et les classiques 909, 808 et 303. Ces éléments sont bien sûrs la fondation du genre mais ils devraient aussi aider à moderniser la techno plutôt que de ressasser le même schéma qui dure depuis le début des 90’s.

 

  • Ajouté à l’art visuel, quel serait pour toi la discipline non musicale la plus adapté pour un événement techno ?

Evidemment la danse a toujours été incorporée dans un événement techno, mais une performance de danse structurée et coordonnée avec le DJ ou le live peut être intéressant. Cela s’est déjà produit dans des festivals comme l’Atonal ou le Mutek, mais j’aimerai le voir plus souvent, ayant le sentiment que cela fait partie de la musique, et non un show que le public devrait regarder. Quelques artistes techno ont aussi utilisé de la danse dans leurs clip vidéos, ce qui peut aussi être pertinent si c’est bien fait.

Cette interview a été co-écrite par le Cabaret Aléatoire et Paradox. Rejoignez l’événement de Perc + Rebekah Samedi 8 décembre, proposée par Cabaret Aléatoire et Paradox.