Le 13 mai dernier, le collectif Metaphore invitait Jerome Hill au Club Cabaret, notre rendez-vous hebdomadaire des musiques électroniques. On s’est assis 10 minutes en loges avec Jerome avant son set.
Jerome s’est d’abord fait remarquer sur un soundsystem de la capitale anglaise dans les 90’s (le JIBA) par son habilité à jongler entre hip hop, acid house, uk bleep, breakbeat et techno, avant de s’occuper de deux disquaires de Camden. Il a ensuite fondé deux labels dans la foulée : Don’t Recordings et Fat Hop records. Quand il n’est pas à London en train d’animer des émissions radio, d’organiser des soirées ou de créer des labels, Jerome parcours la planète pour faire danser et délivrer des sets aussi éducatifs qu’hédonistes. Doté d’un appétit musical insatiable, il a créé deux nouveaux labels il y a une paire d’années : Hornsey Hardcore, une plateforme dédiée à la rave music aux sonorités 90’s ; et le très acid Super Rhythm Trax, sur lequel le jeune italien qui l’accompagnait ce soir là, G-23, a posé sa griffe.
Rembobinons au tout début, est-ce que tu peux nous expliquer comment tu as commencé à faire de la musique ? Quels ont été les plus grands challenges jusqu’ici?
J’ai commencé avec un ami à moi, Rob Stow. Il avait un studio, on était amis, et j’allais juste chez mon pote faire de la musique. Je ne vois pas vraiment ça comme des challenges, je continue juste de faire les choses qui me plaisent. Rester dans un aéroport pendant 12h après avoir loupé un vol, ça ça a été l’un de mes plus gros challenges par exemple, le reste est juste normal.
Tu étais déjà venu à Marseille ? Qu’est-ce que cette ville t’évoque musicalement ?
Je n’étais jamais venu non. Du coup, sans vouloir manquer de respect à la ville bien sûr, je n’ai pas vraiment d’identité musicale en tête quand je pense à Marseille. Mais je sais que de vieux amis à moi du crew Spiral Tribe ont vécu dans le sud de la France pendant un moment, Simon aka Crystal Distortion vit encore à Marseille. Du coup, si quelqu’un m’avait demandé avant aujourd’hui : « Qu’est-ce que tu penses de la scène musicale de Marseille ? » Je lui aurais répondu : « je ne sais pas, mais j’imagine qu’il y a beaucoup de techno ; de la techno bien dure, bien folle, rapide ». Mais en réalité je ne sais pas vraiment.
Est-ce que tu penses aux références ou aux traditions musicales que peut avoir une ville quand tu prépares ton sac de disques avant un set hors de Londres ?
Oui. Je ne pense pas forcément aux traditions mais j’imagine toujours la soirée dans un coin de ma tête, et bien souvent cette image est fausse. La première fois que j’ai joué à House of God (ndlr : une messe de la techno légendaire à Birmingham où Surgeon était résident) par exemple, je m’attendais à de la techno très sérieuse, très dure, mentale, et en fait quand tu arrives c’est juste une fête ! Les gens veulent juste faire la fête, danser, et c’est généralement comme ça partout. Tu pourrais par exemple penser que les tempos vont être un peu plus lents à Paris, que les gens ne voudront pas se salir sur le dancefloor, faire attention à leurs chaussures… Et quand tu arrives là-bas c’est la fête ! Ce n’était pas l’idée que je me faisais de Paris, c’est juste un exemple, mais tu vois on a toujours des pré-conceptions qui ne veulent pas forcément dire grand-chose.
Est-ce qu’on peut parler d’un revival de l’acid music ?
Oui, je crois qu’on est entrain de vivre un revival de l’acid house, c’est indéniable. Mais le genre n’a jamais disparu pour autant. J’en ai toujours joué dans mes shows radio et dans mes sets, c’est une des premières formes de musique dans lesquelles je suis tombé. Comme dans n’importe quel revival et phénomène de mode, tu as des gens qui sont vraiment dans la musique, et d’autres qui mixent ou qui produisent ce genre de musique seulement parce que c’est tendance. Il y a des personnes qui ne captent pas forcément le truc, qui font un peu ça à l’envers. Dans ce dernier cas, pour moi, ça sonne pas… C’est comme du plastique en fait.
Mais ce qui est bien, comme avec les autres formes de revival, c’est que les gens regardent dans le passé et découvrent un peu l’histoire. Certains font des petites recherches sur Discogs, s’arrêtent sur certains disques, certains labels… Les gens s’instruisent et dans ce sens-là ce n’est qu’une bonne chose je trouve.
Est-ce que le mot « rave » a la même signification aujourd’hui que dans les 90’s ?
(Petite pause). Hmm, je dirais que oui. Oui, même si je ne qualifierais pas toutes les soirées dans les clubs techno de rave. Je parle pour moi hein, je ne peux pas parler au nom des gens. Mais quand on me présente quelque chose comme une rave, je m’attends déjà à ce que la musique ait un côté sauvage, mais aussi à ce qu’il n’y ait pas de videurs en costumes en train de marcher avec des torches au milieu des danseurs. La rave est quelque chose d’assez viciée, alors qu’il y a plus de barrières dans un club. Tu ne peux pas aller aussi loin musicalement et dans l’hédonisme j’imagine.
Musicalement parlant, qu’est-ce qui t’excite le plus à Londres en ce moment ?
Tout. La techno : toutes les nouvelles personnes -les filles comme les garçons- qui sont influencées par des choses différentes de ce qui m’a influencé moi, et qui arrivent avec de nouvelles perspectives. La radio m’excite toujours autant, j’adore les stations pirates londoniennes. Le hip hop m’excite, il y a une espèce de revival autour du UK hip hop old school avec des gens qui font des choses intéressantes. La scène hardcore UK m’excite, l’acid house… Toutes les choses que j’aime je les aime parce qu’elles me stimulent en fait.
Quelles aspirations as-tu pour le reste de ta carrière ?
Je crois que je n’en ai pas. Je ne vois pas vraiment ça comme une carrière. Je suis plus inquiet de ce que je vais faire une fois que tout ça sera fini. En attendant, j’aimerais aller jusqu’à la 20ème sortie avec Super Ryhtm Trax et atteindre la 40ème avec Don’t. J’ai encore envie de jouer dans des fêtes, de découvrir de nouveaux endroits, de la nouvelle musique, de nouveaux producteurs, de faire de bonnes rencontres comme le crew Metaphore. C’est pour ça que je suis là, « for good music and good people ». Je ne veux pas jouer à l’O2 Wembley Stadium, ça n’arrivera pas de toute façon (rires).
Merci à toi Jerome !
Oh, et je voudrais juste rajouter que le soundsystem est incroyable ici, c’est exceptionnel ce qu’il dégage. Parfois, quand tu arrives dans un club ou dans une rave et que le soundsystem est vraiment bon, il s’arrête de devenir un soundsystem et ça devient juste… Quelque chose de très puissant, un animal, comme Godzilla ! Et c’est le cas ici.
Propos recueillis par Paul Herincx
2 commentaire sur “[ITW] En backstage avec … Jerome Hill, Sir de la UK rave et de l’acid house”
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